Cumul du report d’imposition acquis avant 2000 en cas d’apport dans le champ de l’article 150-0 B ter du CGI (CE 25/06/2018)

Dernière mise à jour le 29 août 2018
Le report antérieur peut être maintenu, y compris pour les opérations réalisées avant le 1er janvier 2018.

1. Ce qu’il faut retenir

Depuis le 1er janvier 2018, le report d’imposition issu de régimes antérieurs est maintenu de plein droit en cas d’apports ultérieurs entrant dans le champ de l’article 150-0 B ter (CGI, art. 150-0 B ter, V bis).

Pour les apports de titres à une société « contrôlée » réalisés entre le 14 novembre 2012 et le 31 décembre 2017, le contribuable pouvait bénéficier, sur sa demande, d’un maintien du report obtenu avant 2000 en application des articles 92 B et 160 du Code général des impôts. Le Conseil d’Etat annule sur ce point la position retenue par la doctrine administrative.

Rappel
Selon l’administration fiscale, « il n’est pas possible de combiner un ancien mécanisme de report d’imposition et un report d’imposition établi sur le fondement de l’article 150-0 B ter du CGI » (BOI-RPPM-PVBMI-30-10-60 § 550).

CE, 25 juin 2018, n°404689

Voir notre Mémo : Régime de plus-value en report ou sursis d’imposition

2. Conséquences pratiques – Avis Fidroit

Les contribuables qui auraient réalisé un apport au cours de l’année 2015, 2016 ou 2017 et qui y ont intérêt peuvent demander, par voie de réclamation, le maintien des reports antérieurs et la restitution de l’impôt payé à tort. A défaut, l’expiration du report et l’imposition de la plus-value ne sont pas remises en cause par la jurisprudence du Conseil d’Etat (le maintien du report n’est pas « de plein droit » pour les opérations réalisées avant le 1er janvier 2018).

Les éventuels investissements ayant permis de neutraliser tout ou partie de l’impôt généré conservent donc, dans cette hypothèse, une pleine efficacité.

Avis Fidroit
La solution retenue par le Conseil d’Etat nous semble transposable au report de l’article 92 B decies du CGI dont la formulation est identique à celle des articles 92 B et 160 du CGI.

S’agissant des articles 150-0 C et 150-0 D bis du CGI, également visés par l’administration fiscale dans le commentaire annulé, le maintien du report ne peut être demandé que si la plus-value d’échange est placée en sursis d’imposition. Aucune demande de maintien du report ne peut, à notre avis, être demandée si un nouvel échange a été réalisé avant le 1er janvier 2018 dans les conditions de l’article 150-0 B ter du CGI.

3. Pour aller plus loin

 3.1. Contexte
Les mécanismes de report et sursis d’imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières ont évolué depuis 1991. Le sursis, à l’inverse du report, n’entraîne pas la constatation d’une plus-value imposable mais considère, au contraire, l’opération d’échange comme intercalaire.

Depuis le 14 novembre 2012, les opérations d’apport de titres à une société soumise à l’IS sont susceptibles de relever de deux régimes distincts :

  • Soit du régime du report d’imposition, prévu à l’article 150-0 B ter lorsque la société bénéficiaire de l’apport est « contrôlée » par l’apporteur ;
  • Soit du régime du sursis d’imposition, prévu à l’article 150-0 B dans le cas contraire.
    Pour plus de précisions sur les conditions d’application de ces dispositifs, voir notre Doc. Expert : Article 150-0 B ter du CGI : Report (société contrôlée par l’apporteur)

Plusieurs régimes successifs se sont auparavant appliqués. Le régime du sursis d’imposition de l’article 150-0 B du CGI était applicable aux opérations d’apport réalisées du 1er janvier 2000 au 13 novembre 2012, quelle que soit la situation de l’apporteur. Antérieurement, du 01 janvier 1991 au 31 décembre 1999, un mécanisme de report d’imposition optionnel prévu aux articles 92 B et 160 du CGI était prévu.

Pour plus de précisions sur les dispositifs antérieurs et leur période d’application, voir notre Mémo : Régime de plus-value en report ou sursis d’imposition

Dans ce contexte, se pose la question du sort d’un report d’imposition issu d’un régime ancien en cas de nouvel apport. Sur ce point, la loi de finances pour 2018 a complété le dispositif actuel en intégrant un maintien de plein droit en cas d’apport réalisé à compter du 1er janvier 2018 (CGI, art. 150-0 B ter, V bis).

S’agissant des apports réalisés depuis le 14 novembre 2012 et avant le 1er janvier 2018, le commentaire n°550 du BOI-RPPM-PVBMI-30-10-60 indiquait qu’il « n’est pas possible de combiner un ancien mécanisme de report d’imposition et un report d’imposition établi sur le fondement de l’article 150-0 B ter du CGI ». Cette précision concernait notamment les apports de titres grevés d’une plus-value placée en report d’imposition sur le fondement du II de l’article 92 B du CGI, ou des I ter et II de l’article 160 du CGI, dans leur rédaction en vigueur avant le 1er janvier 2000. Selon l’administration, la plus-value antérieurement placée en report d’imposition devait donc être imposée au titre de l’année du nouvel apport, alors même qu’aucune trésorerie n’était générée par l’opération.

3.2. Faits et procédure
Un recours pour excès de pouvoir a été formé à l’encontre du commentaire n°550 du BOI-RPPM-PVBMI-30-10-60. La demande d’annulation porte plus spécifiquement sur l’impossibilité de combiner le mécanisme de report d’imposition issu des articles 92 B et 160 du CGI avec un report d’imposition établi sur le fondement de l’article 150-0 B ter du CGI.

3.3. Arrêt
Le commentaire administratif attaqué est annulé. Pour le Conseil d’Etat, les articles 92 B et 160 du CGI, demeurés applicables aux plus-values en report à la date du 1er janvier 2000 (Loi de finances pour 2000, art. 94), prévoient la possibilité pour le contribuable de demander le maintien du report en cas de nouvel échange répondant aux conditions de ces articles, sous réserve que l’imposition de la plus-value d’échange fasse elle-même l’objet d’un report. En conséquence, le maintien du report pouvait être demandé en cas de nouvelle opération d’échange répondant à la fois aux conditions des articles 92 B et 160 du CGI et à celles de l’article 150-0 B ter, lequel dispositif prévoit un report d’imposition.

La faculté de demander le maintien du report antérieur était offerte pour les opérations d’apport réalisées jusqu’à l’entrée en vigueur du V bis de l’article 150-0 B ter du CGI, c’est-à-dire jusqu’au 1er janvier 2018.

3.4. Analyse
Les dispositions des articles 92 B et 160 du CGI sont interprétées strictement. Quand bien même le régime issu de l’article 150-0 B ter n’était pas connu lors de la rédaction de ces articles, rien n’exclut dans leur rédaction que la plus-value d’échange puisse être placée en report d’imposition en application d’un autre dispositif, éventuellement nouveau.

Notons que l’imposition de la plus-value en report aurait également pu être contestée sur le fondement des dispositions de l’article 8 de la directive 90/434/CEE du 23 juillet 1990, laquelle prévoit une neutralité fiscale des opérations de restructuration d’entreprise.

Source : fidroit